Changements, paradoxes et psychothérapie

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Paradoxes et Psychotérapie

de Paul Watzlawick, John H Weakland, Richard Fisch, 1981
ISBN 2020058715

Résumé

Etude du phénomène du changement en lui-même, comment il apparaît spontanément et comment il peut être provoqué. Etude de sa nature et des sortes de changement. Il semble que ce sujet soit beaucoup moins étudié que les manières de changer les gens. La théorie est illustrée d'exemples tirés de domaines divers. Trois parties: Théories. Enoncé de deux théories et applicabilité de ces théories - Genèse du problème - Résolution de problèmes.

Extraits

1. Ce n'est pas, en premier lieu, pour éclairer un passé inchangeable qu'on a recours à la psychothérapie, mais parce qu'on n'est pas satisfait du présent et qu'on désire rendre meilleur son avenir.(p.7)

2. Dès qu'on a fait le plus petit des changements, d'autres suivent, qui, par effet de boule de neige, conduisent à des modifications plus importantes.(p.7)

3. KASPAR : "aussi audacieux soit-il d'explorer l'inconnu, il l'est plus encore de remettre le connu en question".(p.9)

4. Nous étions ainsi formés à nous intéresser aux processus plutôt qu'aux contenus, à l'ici-maintenant plutôt qu'au passé.(p.13)

5. D'expérience, nous nous attendons à être accusés de "manipulation" et d'"insincérité" pour notre façon, tant pratique que conceptuelle, d'aborder les problèmes humains. La "sincérité" est devenue depuis peu un slogan qui n'est pas dépourvu d'hypocrisie et qu'on associe confusément à l'idée qu'il existe une vue "juste" du monde - en général sa propre vue.(p.13)

6. L'analyste qui reste silencieusement assis derrière son patient allongé, ou le thérapeute "non directif" qui "ne fait que" répéter les paroles de son patient, exercent une influence colossale du seul fait de cette attitude, d'autant plus qu'on la définit comme n'exerçant "aucune influence". Le problème n'est donc pas d'éviter l'influence et la manipulation, mais de les comprendre mieux et de les utiliser dans l'intérêt du patient.(p.14)

7. La permanence et le changement doivent être envisagés ensemble, en dépit de leur nature apparemment opposée.(p.19)

8. Jusque-là, aucun concept ne pouvait être opposé à celui de changement (il s'agit ici de former un concept tiré de l'expérience, et non de découvrir la "réalité"), et la situation était sans doute analogue à celle que décrit WHORF lorsqu'il dit que, dans un univers où tout est bleu, le concept de bleu ne peut apparaître, par manque de couleur faisant contraste.(p.19)

9. Quand il y a problème, il n'est pas absolu et en quelque sorte inhérent à la nature des choses, mais au contraire dépend de la situation et du point de vue impliqués.(p.20)

10. Il saute aux yeux que l'humanité est la classe de tous les individus mais qu'elle n'est pas elle-même un individu. Toute tentative de parler de l'un en termes de l'autre, aboutit fatalement au non-sens et à la confusion.(p.24)

11. On peut aussi s'apercevoir que le changement implique toujours le niveau immédiatement supérieur: pour passer, par exemple, de l'immobilité au mouvement, il faut faire un pas en dehors du cadre théorique de l'immobilité. A l'intérieur de ce cadre, le concept de mouvement ne peut pas apparaître ; il n'est donc pas question de l'y étudier, et toute tentative qui vise à passer outre à cet axiome fondamental de la théorie des types logiques aboutit à la confusion paradoxale.(p.25)

12. Le terme méthode désigne une démarche scientifique ; c'est l'énoncé des étapes à suivre, dans un certain ordre, pour atteindre un but donné. La méthodologie, en revanche, est un concept appartenant au type logique immédiatement supérieur : c'est l'étude philosophique des divers méthodes que l'on emploie dans les différentes disciplines scientifiques.(p.26)

13. WITTGENSTEIN : "les problèmes philosophiques apparaissent quand le langage part en vacances".(p.26)

14. Il faut donc tirer deux conclusions importantes des postulats de la théorie des types logiques : a) les niveaux logiques doivent être rigoureusement séparés si l'on ne veut pas tomber dans le paradoxe et la confusion, et b) le passage d'un niveau au niveau supérieur (c'est-à-dire de membre à classe) comporte une mutation, un saut, une discontinuité ou une transformation - en un mot, un changement - du plus grand intérêt théorique et (comme nous le verrons dans les chapitres suivants) de la plus haute importance pratique, car il permet de sortir du système.(p.28)

15. La théorie des groupes nous fournit un modèle pour penser le type de changement se produisant à l'intérieur d'un système qui lui-même reste invariant ; la théorie des types logiques ne s'occupe pas de ce qui se passe à l'intérieur d'une classe, c'est-à-dire entre ses membres, mais nous fournit un modèle pour examiner la relation entre un membre et sa classe, ainsi que la transformation particulière que constitue le passage d'un niveau logique au niveau supérieur.(p.28)

16. En déduisons l'existence de deux sortes de changements : l'un prend place à l'intérieur d'un système donné qui, lui, reste inchangé, l'autre modifie le système lui-même.(p.28)

17. PRIOR a résumé ainsi l'évolution de concept de changement : "il serait à peine exagéré de dire que la science moderne a commencé lorsqu'on s'est fait à l'idée que les changements changeaient, c'est-à-dire à l'idée de l'accélération, par opposition au simple mouvement".(p.29)

18. En règle générale, les phénomènes de permanence, inhérents à cette deuxième propriété des groupes, s'observent le plus souvent lorsque la causalité d'un système n'est pas linéaire, mais circulaire, ce qui est habituellement le cas dans le fonctionnement des systèmes d'éléments en interaction.(p.35)

19. Le monde de notre expérience (qui est la seule chose dont nous puissions parler) est constitué de couples de contraires, et que, à strictement parler, chaque aspect de la réalité tire sa substance et son caractère concret de l'existence de son opposé.(p.37)

20. La règle fondamentale que Confucius a appelée la rectification des noms et qui se fonde sur la croyance que du nom "juste" découle la réalité "juste" - contrairement à notre notion, occidentale selon laquelle les noms reflètent la réalité.(p.37)

21. Un dilemme non dépassé peut très bien constituer une solution.(p.37)

22. Une des erreurs les plus courantes concernant le changement est de conclure que, si quelque chose est mauvais, son contraire est nécessairement bon.(p.38)

23. C.G.JUNG : "chaque extrême psychologique contient en secret son contraire ou s'y rattache par une relation intime et essentielle... il n'existe aucune coutume aussi sacrée qu'elle ne puisse à l'occasion se changer en son contraire, et plus une position est extrême, plus nous pouvons nous attendre à une enantiodromia, à une conversion en son contraire".(p.38)

24. Il peut exister une action révolutionnaire qui soit en elle-même une façon traditionnelle de procéder au changement.(p.39)

25. Même si l'on remarque un phénomène aussi évident que la transformation de quelque chose en son contraire, même si on en tient compte ou on se dispute à son propos, il est très difficile, surtout dans les relations interpersonnelles, de s'apercevoir que ce changement ne modifie en rien le modèle général.(p.40)

26. La preuve que le système est consistant ne peut venir que de l'extérieur.(p.42)

27. Selon les postulats de base des Principia Mathematica, toute proposition sur une collection (et la preuve de la consistance est une proposition de ce genre) touche tous les membres de la collection et ne peut pas, donc ne doit pas, en faire partie.(p.42)

28. Leur échec, par conséquent, n'est pas dû à l'impossibilité de la tâche, mais à la solution choisie.(p.43)

29. En termes plus philosophiques, il n'est absolument pas différent de nous considérer nous-mêmes, soit comme des pions dans un jeu dont nous appelons les règles le "réel", soit comme des joueurs qui savent que les règles ne sont "réelles" que dans la mesure où nous les avons créées ou acceptées, et que nous pouvons les changer.(p.44)

30. Il est très difficile d'avoir de sa propre culture une vision qui ne soit pas superficielle ; il faut l'abandonner et se préparer au choc que l'on ressent en la voyant de l'extérieur.(p.44)

31. Les cliniciens sont de plus en plus persuadés, que l'aperçu des causes peut fournir de savantes explications d'un symptôme, mais n'apporte pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout, à son amélioration.(p.45)

32. Toutes les théories n'ont qu'une portée limitée qui découle logiquement de leurs prémisses.(p.45)

33. Sans solution, il n'y aurait plus de problème.(p.51)

34. Alors que par le passé, il y avait seulement un désaccord que l'humanité semblait avoir appris à accepter.(p.51)

35. Comme nous croyons que, dans toute interaction humaine (et à tous les niveaux, aussi bien s'agissant d'une famille que d'une entreprise commerciale ou d'un système politique), la causalité n'est pas linéaire et unidirectionnelle mais circulaire, nous essaierons de ne pas nous embrouiller, au cours des exemples qui suivent, dans la querelle de la poule et de l'oeuf.(p.58)

36. L'histoire des sciences au contraire, nous montre à l'évidence que les théories scientifiques se compliquent en vieillissant parce que leurs postulats de base doivent rendre compte d'un nombre toujours croissant d'exceptions et de contradictions.(p.59)

37. L'habileté d'un soi-disant génie n'est parfois rien d'autre que son incapacité à comprendre la complexité d'une situation ou son mépris profond pour les droits d'autrui.(p.59)

38. Il est certain que, dans une large mesure, le processus de socialisation consiste à enseigner aux jeunes ce qu'ils ne doivent pas avoir, ni entendre, ni penser, sentir ou dire. Sans des règles définissant exactement ce qui doit rester hors de la conscience, une société ordonné serait impensable, tout comme le serait une société qui n'enseignerait pas à ses membres ce dont ils doivent être conscients et ce qu'ils doivent communiquer.(p.60)

39. C'est sans doute le besoin de maintenir une façade sociale acceptable qui constitue la première et la plus importante des raisons de ce déni des problèmes.(p.60)

40. Cette évidence, à savoir qu'une grande partie de la communication humaine se fait tacitement, par l'absence de communication, est de plus en plus négligée par ces terribles simplificateurs qui ont pris, en marche, le train de la théorie de la communication et fondent leur thérapie de groupe, leur thérapie famille, leurs marathons, leurs groupes de rencontre, de sensitivité, etc..., sur un postulat pathogène, d'après lequel la communication doit être claire, franche, ouverte, directe - en un mot : totale.(p.60)

41. Un grand nombre d'attitudes dites névrotiques ou infantiles peuvent être représentées comme résultant de l'application répétée d'une seule et même solution, alors que les circonstances ont subi un profond bouleversement.(p.64)

42. Une des manières de ne pas résoudre un problème est de faire comme s'il n'existait pas.(p.65)

43. Si un terrible simplificateur est quelqu'un qui ne voit pas de problème là ou il y en a un, son contraire philosophique est l'utopiste qui voit une solution là où il n'y en a pas.(p.66)

44. Les opposées, bien sûr, se ressemblent plus que la position médiane qu'ils excluent.(p.66)

45. On pourrait même dire que le simplificateur et l'utopiste s'efforcent tous deux d'atteindre un monde sans problèmes - l'un en niant l'existence de certaines difficultés, l'autre en définissant ces difficultés, qu'il reconnaît, comme fondamentalement anormales et donc passibles de solution.(p.66)

46. Le recours à l'extrémisme pour régler les problèmes humains survient le plus souvent, semble-t-il, à la suite de la conviction d'avoir trouvé (ou même de pouvoir trouver) la solution définitive, totale.(p.67)

47. Nous observons avec intérêt, par exemple, que de nombreux passages marquant des étapes importantes de la vie (passages qui, d'habitude, ne vont pas sans désagrément ou difficultés personnelles), sont représentés dans la mythologie populaire comme des événements dénués de tout désagrément et absolument délicieux.(p.70)

48. "Que la nature a fait de l'homme heureux et bon, mais que la société le déprave et le rend misérable". Robert Ardrey cite cette phrase du début de l'Emile et estime qu'elle a marqué le point de départ de ce qu'il appelle justement l'Age de l'alibi.(p.71)

49. Mais il arrive aussi que l'absence d'une difficulté donnée soit considérée comme un problème nécessitant une action corrective ; on agit alors jusqu'à ce qu'on ait sur les bras un faux problème bien développé.(p.72)

50. Les utopies positives impliquent un monde "sans problèmes", les négatives, un monde "sans solutions" ; les deux ont ceci de semblable, qu'elles définissent les difficultés et plaisirs normaux de la vie comme des anomalies.(p.73)

51. Tous les aspects du syndrome d'utopie ont ceci en commun : les prémisses sur lesquelles le syndrome se fonde sont considérées comme plus réelles que la réalité.(p.74)

52. Une "solution" peut être elle-même le problème, dans les domaines des changements sociaux, économiques et politiques.(p.75)

53. Il suffit de décréter que la modification concrète d'un problème dépend de la réalisation d'un but situé à une distance qui avoisine l'infini pour créer une situation qui se "clôt sur elle-même", selon l'expression fort juste de Lipson.(p.76)

54. D'une façon moins frappante, on peut voir que si l'on croit qu'un symptôme "névrotique" n'est que la partie visible d'un iceberg, et, si malgré des mois de thérapie consacrés à l'exploration profonde, ce symptôme n'a pas évolué, cela "prouve" la justesse de l'hypothèse selon laquelle les problèmes émotionnels sont souvent enracinés dans les couches les plus profondes de l'inconscient, ce qui, à son tour, permet de comprendre pourquoi le patient a besoin d'une analyse plus longue et encore plus profonde. Les théories sans fin, et pourtant closes sur elles-mêmes, sont toujours gagnantes, ce qui nous rappelle cette plaisanterie assez amère d'un patient qui, après des années de traitement, continue à mouiller son lit, "mais, dit-il, maintenant je sais pourquoi".(p.76)

55. L'inaccessibilité d'une utopie est un faux problème, mais la souffrance qu'elle engendre est très réelle.(p.76)

56. Le traitement n'est pas seulement pire que la maladie, c'est lui qui est la maladie.(p.77)

57. Ceux qui acceptent ces idées conventionnelles sur ce qu'une relation conjugale devrait être "en réalité" vont certainement trouver des problèmes dans leur mariage et se mettre à chercher une solution jusqu'à ce qu'ils en arrivent au divorce.(p.77)

58. Les limites d'une psychothérapie responsable et humaine sont bien plus étroites qu'on ne le pense généralement. Si elle ne veut pas être la cause du mal qu'elle soigne, la thérapie doit se limiter à soulager la souffrance ; elle ne peut prendre pour objet la quête du bonheur.(p.77)

59. Il est, hélas, bien plus facile, explique Popper, de proposer des objectifs idéaux et abstraits et de trouver des partisans enthousiastes, que de résoudre des problèmes concrets.(p.78)

60. Le syndrome d'utopie est un ensemble pathologique qui dépasse les théories classiques de la formation des symptômes.(p.79)

61. Ce n'est pas la manière dont les choses sont réellement qui constitue le problème et qui doit être changée, mais la prémisse selon laquelle les choses devraient être d'une certaine façon. Sans la prémisse utopique, la réalité de la situation pourrait être tout à fait supportable.(p.81)

62. De fait, la différence entre une société permissive et une société répressive est malheureusement une question de degré et non de substance.(p.89)

63. Lorsqu'il y a un conflit, les partenaires essaient d'habitude de le résoudre à l'intérieur du cadre du contrat et se trouvent ainsi pris dans une sorte de problème des neuf points qu'ils ont eux-mêmes établis.(p.94)

64. Le don de résoudre des problèmes d'une façon inhabituelle va souvent de pair avec l'incapacité de clarifier, pour soi et à plus forte raison pour les autres, le genre de pensée et d'action à l'oeuvre dans ces interventions réussies.(p.98)

65. Pour exprimer ou expliquer quelque chose, il faut passer d'un niveau logique au niveau supérieur à ce qu'on veut exprimer ou expliquer. On ne peut pas expliquer en restant sur un seul niveau.(p.99)

66. Le changement 2 modifie ce qui apparaît, vu du changement 1, comme une solution, parce que, vue dans la perspective du changement 2, cette "solution" se révèle être la clef de voûte du problème qu'on tente de résoudre.(p.103)

67. Ces techniques s'occupent des effets et non des causes supposées ; par conséquent, la question capitale est quoi? et non pourquoi?.(p.103)

68. La question pourquoi? a toujours joué un rôle central, virtuellement dogmatique, dans l'histoire des sciences.(p.103)

69. Le mythe selon lequel on ne peut résoudre un problème qu'après avoir compris son pourquoi est tellement ancré dans le mode de pensée des hommes de science que toute tentative pour aborder le problème en termes de sa seule structure actuelle et de ses conséquences est tenu pour le comble de la superficialité.(p.104)

70. Wittgenstein : "il arrive souvent que nous ne prenions conscience des faits importants que si nous supprimons la question "pourquoi?"".(p.104)

71. L'expérience quotidienne, et pas seulement l'expérience clinique, démontre que non seulement on peut obtenir un changement sans prise de conscience, mais que très peu de changements comportementaux ou sociaux sont accompagnés (à plus forte raison précédés) d'une prise de conscience des péripéties de leur genèse.(p.106)

72. La signification causale du passé n'est qu'un mythe, fascinant mais faux.(p.106)

73. En psychothérapie, ce qui se voue soi-même à l'échec, c'est le mythe selon lequel on ne peut changer une situation que si on connaît son pourquoi.(p.107)

74. Le but de l'intervention du type changement 2 est donc celui-ci : comment peut-on l'empêcher de vouloir s'endormir ? et non, comme le voudrait le bon sens : comment le faire dormir?.(p.108-

75. L'intervention porte sur la tentative de solution et le changement peut donc avoir lieu.(p.109)

76. Un événement a) est sur le point d'avoir lieu, mais a) est fâcheux. Le bon sens voudrait qu'on l'évite ou qu'on l'empêche en faisant appel à son inverse ou opposé, c'est-à-dire à non-a (en accord avec la quatrième propriété des groupes), mais il n'en résulte qu'une "solution" de changement 1. Tant qu'on recherche la solution à l'intérieur de la dichotomie a) et non-a, on est pris dans une illusion du choix possible.(p.111)

77. C'est justement en acceptant sans question l'illusion qu'on doit faire un choix et qu'il n'y a pas d'autre moyen de sortir du dilemme, qu'on maintient le dilemme et qu'on ne peut voir la solution qui, bien que potentiellement disponible, contredit le bon sens.(p.111)

78. Re-cadrer signifie donc modifier le contexte conceptuel et/ou émotionnel d'une situation, ou le point de vue selon lequel elle est vécue, en la plaçant dans un autre cadre, qui correspond aussi bien, ou même mieux, aux "faits" de cette situation concrète, dont le sens, par conséquent, change complètement.(p.116)

79. Il y a changement même quand la situation elle-même reste inchangée ou même inchangeable. Ce qu'on modifie en re-cadrant, c'est le sens accordé à la situation, pas ses éléments concrets.(p.116)

80. Le "réel" auquel on se réfère est constitué plutôt d'"opinions" dans le sens d'Epictète, ou comme nous préférons le dire, du sens et de la valeur accordés au phénomène en question. Nous sommes loin de la supposition simpliste, mais assez répandue, selon laquelle il y a une réalité objective, quelque part "à l'extérieur", et que les personnes dites saines d'esprit en sont plus conscientes que les fous.(p.117)

81. Le réel est ce qu'un nombre suffisamment grand est d'habitude convenus d'appeler réel.(p.117)

82. La vérité, Saint-Exupéry l'a fait remarquer, n'est pas ce que nous découvrons mais ce que nous créons.(p.118)

83. En termes très abstraits, en effet, re-cadrer signifie faire porter l'attention sur une autre appartenance de classe, tout aussi pertinente, d'un même objet, ou surtout introduire cette nouvelle appartenance de classe dans le système conceptuel des personnes concernées.(p.119)

84. Notre expérience du monde repose sur l'ordonnance des objets de perception selon des classes. Ces classes sont des constructions de l'esprit et appartiennent donc à un ordre de réalité tout à fait autre que celui des objets eux-mêmes.(p.120)

85. Une fois qu'un objet est conçu comme membre d'une classe donnée, il est extrêmement difficile de le voir comme appartenant aussi à une autre classe.(p.120)

86. Ce qui rend le re-cadrage aussi efficace comme outil de changement, c'est que, à partir du moment où nous percevons l'autre appartenance de classe possible, nous ne pouvons pas facilement revenir au piège et à l'angoisse de notre ancienne vision de la "réalité".(p.120)

87. Un re-cadrage ne réussit que s'il tient compte des opinions, des attentes, des raisons, des hypothèses - en un mot, du cadre conceptuel de ceux dont on doit modifier les problèmes.(p.125)

88. Il est nécessaire, dans un premier temps, d'enseigner au patient un nouveau langage et de le faire penser dans ses termes, pour ensuite essayer d'effectuer un changement en communiquant avec lui dans ce langage. Au contraire, le re-cadrage présuppose que le thérapeute apprenne le langage du patient, ce qui peut se faire plus rapidement et plus économiquement que l'inverse.(p.126)

89. Le re-cadrage, pour utiliser une fois de plus le langage de Wittgenstein, n'attire pas l'attention sur quoi que ce soi - ne produit pas de prise de conscience - mais enseigne un nouveau jeu qui rend l'ancien caduc.(p.126)

90. S'il s'agit d'un pseudo-problème, l'élucidation ne produit pas la solution, mais bien la dissolution de la demande.(p.133)

91. Le thérapeute qui propose un but utopique (ou simplement vague), comme celui qui accepte un tel but de la part de son patient, en arrive à traiter une affection dont il est en partie responsable et que la thérapie entretient.(p.133)

92. Considérer forcément la demande initiale du patient comme la partie visible du célèbre iceberg (à nos yeux mythique), constitue un re-cadrage négatif grâce auquel une difficulté réelle devient si complexe et si profondément enracinée que seules des méthodes complexes et profondes peuvent prétendre effectuer un changement.(p.134)

93. Un bon nombre de gens qui cherchent une aide décrivent leur problème d'une façon apparemment sensée mais en fait inutilisable : ils voudraient être plus heureux, mieux communiquer avec leur conjoint, profiter davantage de la vie, avoir moins de soucis, etc. L'imprécision même de ces objectifs les rend impossibles à atteindre.(p.134)

94. Wittgenstein énonçait déjà cela il y a 50 ans : " Une réponse qui ne peut être exprimée suppose une question qui, elle non plus, ne peut être exprimée".(p.134)

95. Un traitement de durée limitée augmentait la probabilité de réussite tandis que les thérapies de longue durée, sans fin en vue, se poursuivaient généralement jusqu'à ce que le patient, comprenant que son traitement pourrait continuer à vie, abandonne.(p.135)

96. De même que le symptôme, dans notre méthode, n'est pas tenu pour la manifestation superficielle d'un problème profond sous-jacent, le but de la thérapie n'est pas non plus établi selon quelque idée essentielle, platonicienne, sur le sens ultime de la vie. Dans un deuxième temps, nous avons mis en évidence ce qui entretenait le problème ici-maintenant ; le but évident est donc de briser cette boucle de rétroaction, et non de réaliser une quelconque abstraction philosophique de l'homme.(p.135)

97. Un bon nombre de personnes entreprennent une thérapie, non pas pour résoudre un problème et s'en trouver transformées, mais apparemment pour vaincre le thérapeute et "prouver" du même coup que le problème n'a pas de solution.(p.157)

98. Rien ne semble plus contraire à toute thérapie, à tout bon sens, que de dire à un patient que sa situation est sans espoir. Pourtant, comme le lecteur le sait désormais, il existe toute une classe de problèmes humains pour lesquels l'attitude "humaniste", de bon sens, faite de soutien et d'optimisme n'aboutit qu'a cimenter la persistance du problème.(p.162)

99. L'utopie négative selon laquelle la vie est remplie de problèmes exigeant un sacrifice perpétuel de leur part.(p.168)

100. Le degré d'intérêt que les gens se portent mutuellement constitue un élément important de la nature de leurs relations et peut facilement être à l'origine de problèmes.(p.169)

101. La preuve de l'existence du gâteau, c'est qu'on le mange.(p.174)

102. Or, et c'est là presque une règle pour les situations humaines, les solutions de bon sens sont celles qui vont le plus à l'encontre du but recherché et sont même parfois les plus destructrices.(p.175)

103. Pour juger de la valeur d'une méthode, la seule base valable reste l'évolution des résultats de sa mise en pratique.(p.181)

104. Surtout dans ce domaine, nous soutenons qu'un changement effectif peut être réalisé si l'on s'attache à des buts concrets et de faible ampleur, si l'on procède lentement et méthodiquement, au lieu de lancer des objectifs aussi vastes que vagues, objectifs dont personne ne conteste le bien-fondé, mais dont la réalisation est plus que douteuse.(p.182)

105. Nous pensons que nos principes de base sur la genèse et la résolution des problèmes, sur la permanence et le changement, trouvent une application utile et adéquate dans les problèmes humains en général.(p.183)

106. Le monde du comportement humain émerge nettement, aujourd'hui, comme le domaine où notre compréhension et nos compétences doivent subir la plus grande révision.(p.183)

107. Pour la même raison, ce livre aurait pu être élaboré à partir d'un contexte apparemment très différent, auquel on donne le nom vague d'expérience mystique et qui consiste à sortir à l'improviste du cadre de référence habituel et quotidien pour arriver à une nouvelle perception de la réalité : un tel événement, aussi bref soit-il, ne nous permet jamais plus d'oublier que la "réalité" pourrait tout aussi bien être complètement autre.(p.184)

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