Se pourrait-il que le réel ne soit pas rationnel ?

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Se pourrait-il que le réel ne soit pas rationnel ?

Résumé

La Réalité absolue, celle qui s’écrit avec un grand « R » est présentée ici comme un espace d’information dont les civilisations, les groupes sociaux et à fortiori les hommes ne jouissent que d’une faible partie. Bien que chaque jour, l’homme par l’usage éclairé de sa conscience puisse observer de plus en plus loin dans l’univers, le domaine de l’inconnu reste vaste.

Suivant l’allégorie de la caverne, les hommes conçoivent et mettent en œuvre des outils leur permettant d’appréhender la logique sous-jacente à leurs observations locales. Ces outils de l’intelligence sont décrits ci-après comme des « rationalités locales ».

La vision de la réalité qui y est développée, est mesurée, à l'inverse de la vision positiviste, aujourd’hui perçue comme naïve, de la fin du XIX° siècle, au travers de laquelle l’homme pensait avoir presque tout découvert et tout expliqué. Et cela quelques années avant les dizaines de découvertes qui ont révolutionné notre XX° siècle : téléphone, énergie nucléaire, monde quantique, télévision, informatique, etc.

Malgré tout, le fait que des rationalités puissent être « locales » semble paradoxal à certains : peut-il réellement y avoir plusieurs sortes de rationalités ?

La position qui a ma préférence est la suivante : s’il existe bien une rationalité Absolue (avec un grand A) liée elle-même à une réalité Absolue, celle-ci reste hors de portée des hommes. Il est donc considéré que l’homme, par sa capacité limitée à percevoir et à appréhender son environnement, filtrée par son contexte social et culturel, est muni d’une rationalité qui lui est personnelle. Et c’est chacune des rationalités individuelles confrontées aux lumières de celles des autres, qui vont, en raison de leurs différences et de leurs limites composer l’éventail des perceptions et des points de vue. Les rationalités d’autrui peuvent alors, selon les cas, passer -pour partie- comme « irrationnelles » (car en fait, incomprises), de même que certaines expériences paradoxales n’entrant pas dans le champ des rationalités des individus, ou alors avec trop de violence pourront être totalement rejetées. Et si des convergences de principe existent aussi, notamment en regard de niveaux de rationalité plus absolus, ou bien grâce à la diffusion des connaissances, en pratique la subjectivité règne.

En la matière, nous n’oublierons pas que les systèmes logiques les plus formels s’ils permettent de décrire des principes emprunts d’une rationalité à toute épreuve, ils ne restent valables que dans un cadre limité, correspondant aux « types » qu’ils définissent et comprennent. Le paradoxe de Russel en est une bonne image.

Enfin, au-delà, nous devons réaliser que ce que nous appelons en réalité « irrationnel » correspond aujourd’hui à tout ce que nous ne pouvons aujourd’hui appréhender ou comprendre, à tout ce qui nous parait défier notre sens commun logique. La vision optimiste de tout cela est que derrière d’autres formes de pensées il y a d’autres réalités à découvrir, il existe un défi permanent pour nous améliorer, faire preuve d’ouverture et de compréhension à l’égard de ce qui est différent de nous. Et là se trouvent de grands motifs de progrès, notamment en matière de tolérance.

Introduction

Le « réel » et la « rationalité » sont deux notions difficiles car perçues très différemment d’un individu à l’autre. Pour ce qui concerne mon point de vue sur la question, il y a, d’une part, ce que « je » comprends par réalité qui sont :

  • les choses, les faits que notre environnement produit et que nous observons,

et, d’autre part, ce que « je » comprends par rationalité, qui sont :

  • les lois et les principes que nous reconnaissons au sein de la réalité.

C'est-à-dire que la rationalité est liée à des logiques de pensée, alors que la réalité est, elle, établie par des faits observés/observables. Que la réalité dépende des moyens d’observation et la rationalité des modes de pensées associés, initie un débat sur la relativité et la subjectivité de ces notions.

1. La rationalité dépend du contexte

Non seulement, la rationalité dépend de la réalité, mais il existe aussi des réalités locales et absolues, et de fait, des rationalités locales et absolues.

1.1. Rationalité absolue et Réalité absolue

Ainsi, il y a des personnes pour lesquelles tout EST rationalité. A savoir que Tout peut s’expliquer d’une façon ou d’une autre et va trouver son entière raison d’être, un jour ou l’autre. De ce point de vue, l’irrationnel ne peut appartenir à notre univers physique et conscientisé. Il serait dans le champ de ce qui n’existe pas et qui ne peut être même pas être imaginé par l’homme, car même l’imagination, d’une certaine façon a ses raisons d’être et de faire émerger des images.

1.2. Rationalités locales et Réalités locales

Et puis, il y a « l’autre » façon de considérer la rationalité, de façon plus « locale ». C'est-à-dire, à considérer que le monde rationnel se restreint à ce que l’on arrive à expliquer, à partager dans un contexte donné. De ce point de vue, l’irrationnel s’évalue vis-à-vis des points de vue locaux établis, et ce, dépendamment des groupes sociaux en présence, de leur culture, de leurs connaissances. Ce qui varie par exemple suivant les professions considérés :

  • pour les scientifiques pourraient être irrationnelles les choses qui défient les explications communément admises,
  • pour les hommes de loi pourraient être irrationnels ceux qui ne suivent pas les principes édictés par les lois,
  • pour les psychologues pourraient être irrationnels ceux qui n’agissent pas de façon cohérente par rapport aux intérêts supposés des individus,
  • pour les économistes pourrait être irrationnelle toute conduite incohérente et caduque, par rapport à des objectifs financiers,
  • Etc.

Gustave Le Bon disait, « Démontrer qu'une chose est rationnelle ne prouve pas toujours qu'elle soit raisonnable ». Ce qui illustre parfaitement cette opposition qui peut naître entre une rationalité d’ordre scientifique et d’une rationalité d’ordre moral, qui échappe bien plus facilement à la raison (ainsi l’altruisme a pendant longtemps été perçue comme une notion irrationnelle dans le règne animal). De plus, nous pourrions arguer que si les rationalités sont amenées à changer dans le temps en fonction de l'évolution des connaissances, c’est justement parce qu’elles sont locales. Par exemple, pour la justice, les lois sont adaptées aux groupes sociaux, aux pays et aux endroits pour lesquels elles s’appliquent ; et pour la science, elle dépend des connaissances acquises et des découvertes qui sont faites. Ainsi, chacun d’entre nous, compte tenu de notre culture, de notre éducation, portons des rationalités, qui sont l’expression de calques et schémas sociocognitifs, qui filtrent notre perception de la réalité plus absolue. Ces filtres s'imposent à chacun d’entre nous, sans même que nous en soyons réellement conscients. Les rationalités s’expriment, de ce point de vue, du niveau et du contexte depuis lequel nous analysons une situation. Individu, groupe social, société : chaque réseau social dispose de sa propre rationalité et qui constituent autant de réalités locales qui s’entremêlent et amènent à devoir appliquer des arbitrages. Pour observer cette relativité, vous avez sans nul doute tous en mémoire le paradoxe du barbier, une illustration du paradoxe de Russell :

Le conseil municipal d'un village arrête une ordonnance qui enjoint à son barbier (masculin) de raser tous les habitants masculins du village qui ne se rasent pas eux-mêmes et seulement ceux-ci. Le barbier, qui est bien un habitant du village, n'a pas pu respecter cette règle car :

  • S'il se rase lui-même, il enfreint la règle, car le barbier ne peut raser que les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes ;
  • S'il ne se rase pas lui-même (qu'il se fasse raser ou qu'il conserve la barbe), il est en tort également, car il a la charge de raser les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes.

Pour résoudre le paradoxe nous devons, d’une manière ou d’une autre, introduire de nouveaux faits dans notre réalité locale, accepter que celle-ci comporte des points initialement cachés. Par exemple, nous pouvons résoudre ce paradoxe si nous considèrerons que le barbier est une femme. Cela nous évoque bien un problème de rationalité trop étroite confrontée à une réalité plus large.

2. La réalité construit la rationalité et vice-versa

Il est aussi intéressant de noter que la rationalité et la réalité sont deux composantes qui fonctionnent en synergie, l’une participant à la construction de l’autre et vice versa. En effet, si la réalité constitutive de l’environnement de l’homme imprime sur sa conscience un mouvement de réflexion et de compréhension à l’égard du monde dans lequel il essaye de vivre, il peut, à l’inverse décider de principes et considérer que ce que lui montre la réalité, n’est pas ou ne doit pas être et en réfuter certaines manifestations. En participant à la manifestation et à la création de sa propre réalité. Pour être très cru, une campagne de marketing participe à l’édification d’une réalité ciblée et implique des modifications de la rationalité des individus qui la subissent. Une société de consommation environne ainsi les individus de règles d’échanges particulières qu’ils apprendront à apprendre et à reconnaître en tant que telle. De fait, la réalité, pour un groupe social donné, est aussi une question de valeurs acceptées et partagées, cependant que la rationalité est l’expression de lois acceptées au sujet de ladite réalité. C'est-à-dire que la question des croyances est sous-jacente ; mais nous y reviendrons un peu plus loin.

« Rationalité locale » contre « réalité »

Lorsqu’une rationalité locale est mise à l’épreuve d’une réalité plus large que ce qu’elle comprend, les choses deviennent moins évidentes et dépendent plus de la nature des individus et de leurs résistances psychologiques, ainsi que l’ampleur du choc provoqué par la révélation : certains vont résister, voire dénier, d’autres déformer la réalité pour mieux se l’accaparer, ou encore d’autres encore accepter les faits sans comprendre, basculer dans la « croyance ». Prenons un exemple proche de nous : les PAN.

Le fait est, c’est un constat, que de nombreux scientifiques ont du mal à manifester ouvertement de leur intérêt pour ces phénomènes aérospatiaux, et encore plus accepter que ceux-ci puissent partager notre réalité physique. Cependant, la réalité qui s’impose à nous par le travail effectué depuis 30 ans par le Geipan, est que nous disposons d’environ un témoignage par jour (en moyenne) concernant les PAN. Et que sur l’ensemble des cas observés sont considérés comme, ne pouvant être rattachés à aucun phénomène connu, 25% d’entre eux. Ceci n’étant que la partie émergée de l’iceberg. Cette masse de témoignage surprenante n’a pourtant pas encore su cristalliser les attentions et les efforts de recherche de l’établissement scientifique, pourquoi ?

L’irrationalité et les modes de pensée locaux

Pour expliquer ce malaise de la communauté scientifique vis-à-vis du problème d’irrationalité soulevé par les PAN, les difficultés éprouvées (professionnelles) rencontrées par certains scientifiques ayant publiquement reconnu leur intérêt objectif pour le phénomène des OVNI de nombreux débats ont déjà eut lieu.

Cela étant les racines puisent probablement leur origine dans des résistances psychosociales installées de longue date. Peut-être, depuis qu’il a été considéré il y a de 50 ans cela, qu’il était possible que derrière des manifestations de phénomènes inexpliqués il pouvait y avoir de la vie intelligente : e qui a été catalogué immédiatement comme une attitude irrationnelle. Et si le débat scientifique est aujourd’hui si délicat, c’est qu’en réalité une croyance a été établie sur ce sujet. On a déjà vu et connu cela à l’époque de la chasse aux sorcières, à un tout autre degré de violence bien entendu. Cependant, tant que les scientifiques ne changeront pas leur perception sur cette réalité, entretenue par le nécessaire besoin de reconnaissance mais aussi les préjugés, il n’y aura pas – à mon sens – de progrès possibles.

Un autre aspect symptomatique de cette relation difficile entretenue par le monde scientifique avec l’« irrationnel OVNI », est la place donnée aux ouvrages sur cette thématique dans les librairies : généralement relégués au rayon spiritualité des bibliothèques. Cette classification est étrange, car le sujet n’a pourtant rien voir avec la seule spiritualité. Surtout que nous pouvons assurer qu’il existe suffisamment de phénomènes qui se sont produits objectivement dans notre monde matériel. Déni de voir ? Et donc, qui est rationnel dans ce contexte ? Est-ce le scientifique qui ne préjuge pas du sujet et reste ouvert ou bien celui qui refuse d’observer cet aspect là de sa réalité ? Transformer sa science en une puissance qui borne à priori le champ de sa connaissance et de ses savoirs, n’est ce pourtant pas là un piège dans lequel l’humanité est tombée maintes et maintes fois ?

La facilité du choix de « l’irrationnel »

Plus largement, nous pourrions considérer que tout ce qui échappe à notre rationalité doit être perçu comme irrationnel, ce serait le choix de la facilité. Comme pour les OVNI.

Et pourtant, si nous acceptons cette relativité fondamentale des rationalités, les phénomènes d’apparence irrationnels doivent être perçus sous un nouveau jour : à notre propre niveau, pour gagner en ouverture d’esprit, ils devraient plutôt appartenir à une forme d’inexpliqué, qui sort de notre domaine de compréhension et d’analyse. De fait, ce qu’il faut comprendre c’est que l’irrationalité n’est rien d’autre qu’une part d’inconnu qui se manifeste à nous, débordant le domaine du socialement acceptable.

Rappelons que du point de vue de la réalité absolue, l’irrationalité n’existe pas : « Tout » peut s’expliquer. Si l’irrationnel peut s’expliquer par de nouvelles rationalités locales (en défrichant l’inconnu), il me semble que l’on ne franchi pas les différents degrés de rationalité aussi simplement que l’on enfonce des portes ouvertes. Les choses m’apparaissent plus sensibles et plus floues. Ne serait-ce que par ce que l’étrange, l’inconnu, sont partout dans les moindres recoins de la réalité, masqués par nos croyances (nos rationalités) sur celle-ci. Dans ce cas, il n’y a que les regards sans préjugés qui permettent alors de voir ce que la rationalité tend à classer trop vite ou au contraire à évacuer.

Et il n’y a que la recherche et les progrès, sans tabous, de la connaissance qui puissent nous permettre de comprendre cet inconnu. Car ce sont précisément les croyances sur la réalité qui enferment les consciences. Que ce soient les idées personnelles que nous entretenons à propos de nous-mêmes et de la nature de la réalité : l’ensemble de notre rationalité affecte à chaque instant notre conduite et nos émotions. Et ce lien est si profond, que nous tenons nos croyances pour vraies à propos de la réalité et ne les remettons que rarement en question: elles apparaissent à notre esprit comme des faits bien trop évidents pour en douter.

C'est pourquoi elles sont trop souvent acceptées sans discuter. On ne les reconnaît pas comme des croyances à propos de la réalité, mais plutôt comme des caractéristiques de la réalité elle-même. De telles idées apparaissent fréquemment comme indiscutables; elles font partie de nous-mêmes. A un point tel qu'il ne nous viendrait pas à l'esprit d'en contester la validité. Ce sont de pures suppositions mais elles n'en colorent pas moins notre expérience personnelle. Certaines personnes, par exemple, ne remettent pas en question leurs croyances religieuses et les prennent comme une vérité immuable. D'autres trouvent cela relativement facile de reconnaître ces conventions dans un contexte religieux, mais ils montrent bien peu de discernement pour des croyances d'ordre différent. Il est ainsi beaucoup plus simple de reconnaître nos croyances en matière de religion, de politique ou d'autres sujets du même type que de mettre le doigt sur des croyances plus profondes concernant notre identité et tout ce qui est en relation avec notre propre vie ou le monde réel.

L’irrationalité pour mieux masquer notre incapacité à résoudre l’inconnu

Pour conclure, l’irrationalité m’apparait être une béquille souvent un peu facile. S’il ne s’agit pas de tout vouloir tout le temps chercher à tout expliciter, (on s’épuiserait à moins), mais il m’apparait utile de conserver et d’entretenir cette capacité que nous avons à nous s’extraire de nos cercles de savoirs et tenter aussi fréquemment que possible des explorations de l’inconnu. C'est-à-dire que l’irrationnel devrait se résoudre dans la recherche d’une compréhension de l’inconnu plutôt que dans le déni de voir. D’autant que, le jeu de la découverte d’autres formes de réalité et de rationalité, lorsqu’il est raisonnablement conduit, peut nous amène à progresser sur nous mêmes, à réaliser ce défi permanent consistant à nous améliorer, faire preuve d’ouverture et de tolérance. Car enfin, qui peut aujourd’hui prétendre disposer de formes de rationalité telles que rien ne puisse les contredire ?