Rentrée atmosphérique du 05 11 1990

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L'événement

Il est 19 heures le 5 novembre lorsque les services de sécurité du CNES sont submergés d'appels en provenance de nombreuses brigades de gendarmerie signalant un étrange phénomène lumineux qui a traversé une grande partie de la France vers 19 heures. Durant plus d'une semaine, le SEPRA recevra de nombreux appels de témoins demandant des explications à propos "d'un immense triangle lumineux" qui a traversé le ciel.

Parmi les témoins J.P. Haigneré, spationaute au CNES confirmera l'étrangeté du phénomène. Au centre de lancement de ballons d'Aire sur Adour, les techniciens retarderont un lancement pour observer le phénomène !

La réponse de la NASA arrive le 8 novembre en indiquant, pour le 5 novembre, la rentrée de l'objet "20925/1990 – 94C / GORIZONT 21 PLATFORM / USSR".

Le problème posé par la rentrée du 5 novembre 1990

Cette rentrée est un cas d'école. Je pense que si, demain, en France, un cas similaire se produisait, nous serions certainement toujours aussi démunis pour fournir une réponse satisfaisante aux témoins. C'est-à-dire, pas simplement de leur répondre:

"Voilà il s'agit de telle fusée sur telle trajectoire !"

Mais bien plutôt de leur expliquer pourquoi :

"Vous avez observé ces lumières ainsi distribuées parce que ... "

De manière générale, il me semble essentiel d’arriver à faire coïncider les données et les connaissances scientifiques que nous avons des phénomènes avec les observations et de ne pas considérer qu'il s'agit de deux zones étanches.

Or, jusqu'à ce jour, il reste de nombreux témoins persuadés que ce qu'ils ont vu ne peut être une rentrée atmosphérique d'un étage de lanceur russe et de nombreux scientifiques qui ne regardent que leurs données orbitales sans vouloir prendre en compte l'ensemble des données d'observation (ou bien uniquement certaines données qui les arrangent). Pourtant, il faut bien reconnaître que les modèles de fragmentation atmosphériques existants à ce jour sont bien trop incomplets. Personne ne pourra le nier: il est extrêmement difficile d'arriver à modéliser ce qu'il se passe dans l'atmosphère lorsqu'un satellite ou un bolide rentre. Les logiciels qui existent (comme Debrisk au CNES) sont obligés d'intégrer des hypothèses de travail fortes.

Par conséquence, si nous n'essayons pas aussi de partir des information de terrain, et de réellement de faire l'effort de rentrer dans le vécu des témoins pour essayer de comprendre pourquoi certaines choses ont été perçues, et d'arriver à expliquer comment les éléments les plus "exotiques" des témoignages ont été vécus (phénomènes de condensation ou phares au sol, par exemple), alors cela restera un dialogue de sourds.

Déjà sur des rentrées de bolides "classiques" la réalité scientifique peine à simuler les observations, ici il s'agit d'une rentrée assez atypique, qui n'arrive qu'une fois tous les 20 ans: contrairement aux rentrées de bolides habituelles (météores/météorites), la durée de l'observation est assez longue (plus de deux minutes au dessus de la France), la trajectoire était très tangentielle au sol (donnant l'impression d'un phénomène qui se maintient horizontalement vis-à-vis du sol, "volant" presque) et la dispersion des débris importante ce qui a laissé paraître aux nombreux témoins des formes et des manifestations relativement différentes (à la façon des taches de Rorschach, chacun a pu y projeter ses propres idées et croyances).

S'il est aussi inconcevable de penser qu'il n'y a pas eu de rentrée atmosphérique, il me semble par contre très intéressant d'essayer de comprendre, pourquoi tant de personnes ont vu tant de choses différentes.

C'est pourquoi, il m'apparaitrait dommage de vouloir écarter toute tentative de recherche, sous prétexte que nous "savons" ce qu'il s'est produit. Et ainsi, ne pas essayer d'expliquer les réalités et observations individuelles. En tant que tel il s'agit d'un véritable sujet d'exploration scientifique, jusqu'à ce jour, relativement ignoré.

Philosophie et approche

1. De manière générale, il me semble essentiel d’arriver à faire coïncider les données et connaissances scientifiques avec les observations et de ne pas considérer qu'il s'agit de deux zones étanches. Or, jusqu'à ce jour, de nombreux témoins restent persuadés que ce qu'ils ont vu ne peut être une rentrée atmosphérique et de nombreux scientifiques regardent leurs données orbitales et projettent des simulations de rentrée, sans prendre en compte l'ensemble des données d'observation.

Or, si nous n'essayons pas réellement de faire l'effort de rentrer dans le vécu des témoins pour essayer de comprendre pourquoi certaines choses ont été perçues, et comment expliquer les éléments les plus "exotiques" des témoignages (phénomènes de condensation ou phares au sol, par exemple), alors cela restera un dialogue de sourds.

C'est pourquoi, il me semble qu'un volet très intéressant dans l'étude de ces témoignages, est celui de la psychologie de la perception, il doit permettre de comprendre pourquoi et comment l'information a été comprise/modifiée/transmise par les témoins.

2. Lorsque l'on recherche des éléments de preuve ou de conviction, il faut vraiment éviter de se baser sur des données subjectives ou des intuitions personnelles (préjugés). Et, précisément, l'observation du 5 novembre 1990 cristallise les préjugés; elles apparait pour de nombreuses personnes, que ce soit des "anti" (anti-thèse rentrée atmosphérique) ou des "pro" (pro-thèse rentrée atmosphérique) comme "évidente", écartant par là même toute vérification systématique, susceptible elle seule, de mettre fin à ce débat.

Nous nous retrouvons ainsi face à deux mécanismes conscients ou inconscients, lorsque l'on traite de témoignages, des termes évoqués à l'époque par le rapport COMETA: il s'agit de "(dés)information" ampliante et "(dés)information réductrice": chaque observateur, témoin, ou enquêteur, analyste, lorsqu'il lit ou écoute un témoignage, va utiliser l'un ou l'autre de ces mécanismes afin de faire rentrer la réalité dans ses pré-conceptions (pré-jugés) et modèles de valeurs.

Par exemple, mettons qu'un témoin ait vu (et décrive) un triangle noir avec 3 points lumineux blancs aux extrémités et un phare rouge central. Si je caricature, aux deux extrémités du spectre, certains :

  • pratiqueront plutôt de la dé(sin)formation réductrice, ils détruiront de l'information : votre témoin a vu un avion ! Les lumières blanches d'extrémité seules sont retenues par l'observateur/enquêteur: c'est la posture du doute (le plus souvent essentiellement appliquée aux autres qu'à soi-même).
  • d'autres pratiqueront plutôt de la dé(sin)formation amplificatrice, ils ajouteront de l'information : votre témoin a vu un vaisseau extra-terrestre ! (même si le témoin n'a jamais parlé d'extra-terrestres). Confiance accordée par principe, sans peu d'esprit critique.

Des opérations sur les réalités subjectives des témoins pour se rapprocher de la réalité objective. Il y en a toujours, dans une certaine mesure. Cependant, ces deux exemples caricaturaux, montrent que nos attitudes peuvent provoquer des dérives de l'objectivité et surtout des postures d'affirmation/d'autorité dangereuses, créant des préjugés sur la réalité. C'est d'autant plus insidieux que le plus souvent inconscient.

La question que j'essaye toujours de me poser est : ai-je le droit de transformer ou d'amputer un témoignage, et si je le fais, dans quelle mesure ? Et comment je le justifie ? Et si je le fais une fois, deux fois, n fois avec des témoignages différents sur le même cas d'observation ? Il s'agit d'une question d’honnêteté intellectuelle dans le traitement de l'information sur les témoignages. Toute répétition ou abus de ces mécanismes dans un sens ou dans l'autre devrait "alerter" un enquêteur. Et sur le 5 novembre 1990 nous sommes en plein là dessus car les croyances des uns et des autres jouent à fond.

Parfois, l'on dit que le "diable est dans les détails" et je pense que c'est vraiment le cas ici.

Avec le 5 novembre 1990, il est facile de réduire les détails "gênants" à néant. Mais je pense que cette démarche n'aide en rien à résoudre les problèmes que cela pose aux témoins qui ne reconnaissent pas le phénomène quand on leur annonce qu'il s'agit d'une rentrée atmosphérique.

C'est pourquoi, il m'apparait intéressant, déjà du point de vue statistique, d'essayer de préciser et mesurer ce que représentent ces anomalies, et leur écart à la normale(ité). Ce que personne n'a fait à ce jour.

Sans cela, difficile d'identifier les problèmes posés par les observations et d'aider les témoins à réconcilier leurs observation avec une réalité objective/partagée.

Schéma d'une rentrée atmosphérique "classique"

De manière générale, lorsqu'un bolide pénètre dans l'atmosphère, il dispose d'une vitesse très importante, (en orbite basse un satellite va à la vitesse d'environ 8km/s). Cette vitesse crée une boule de feu (un plasma composé d'ions atmosphériques) qui illumine très fortement l'atmosphère et peut parfois donner l'impression qu'il fait jour en pleine nuit. Ce plasma donne souvent l'impression que le bolide est bien plus énorme qu'il n'est, et permet surtout de le voir à des distances considérables, de l'ordre de plusieurs centaines de kilomètres.

Ce phénomène démarre à l'altitude d'environ 100 km, sous l'effet d'érosion créé par la chaleur et les frottements avec l'atmosphère, le bolide se fragilise et se fragmente, dans un processus qui peut se répéter une ou plusieurs fois. A la fin de sa trajectoire, quand les débris ont une vitesse inférieure à 3 km/s, ils rentrent généralement dans une phase de "vol sombre" (dark flight): le plasma ne peut plus se former et ils n'éclairent plus. De nuit, le bolide n'est alors généralement plus visible. Cela survient à une altitude souvent assez basse, moins de 30km (et là, en l’occurrence, il s'agit d'éléments denses; pour des satellites ou des débris spatiaux, en général, l'altitude de fragmentation retenue est bien plus élevée, de l'ordre de 60 km).

Pendant cette dernière phase de la trajectoire, les fragments sont soumis aux conditions atmosphériques et la trajectoire s'en trouve d'autant plus altérée. Hélas, il n'existe que quelques rares spécialistes s'étant penchés sur ces types de calculs, ils restent difficiles et surtout peu certains: dépendants de nombreux paramètres dont les caractéristiques de structure du bolide.

Lorsqu'ils sont retrouvés au sol, les débris forment un champ de dispersion (http://fr.wikipedia.org/wiki/Champ_de_dispersion), qui est généralement contenu dans une forme appelée "ellipse de dispersion". Plus la trajectoire du bolide est tangente à la terre, plus le champ de dispersion est elliptique. A l'inverse, plus la trajectoire est verticale au sol, plus le champ de dispersion sera circulaire. La largeur et les caractéristiques exactes du champ de dispersion dépendent essentiellement de la façon dont le bolide aura été fragmenté et des explosions qui auront eu lieu dans sa phase de "vol". Les débris ne retombent pas à la "queue leu leu", mais de manière dispersée, tant latéralement que longitudinalement. (sauf si le bolide ne reste entier bien sûr).

Quelle trajectoire officielle ?

Ah, ça ! En fait c'est tout le problème: elle n'existe pas pour la phase de rentrée. Comment comparer l'observation des témoins à une réalité objective lorsque celle-ci n'est pas établie ?

La trajectoire à partir des données orbitales

Nous avons bien entendu les Two-Line Elements (TLE), une représentation standardisée des paramètres orbitaux des objets en orbite terrestre. Ces éléments sont mesurés et calculés par le NORAD et la NASA, non seulement pour les satellites artificiels, mais aussi pour les débris spatiaux. Cependant, en descendant aussi bas dans l'atmosphère, comme cela a été le cas pour cette rentrée, les forces de frottement mais aussi des phénomènes d'abrasion liés aux plasmas créés rentrent en jeu. La résistance des matériaux est mise à l'épreuve, or le comportement d'un phénomène soumis à ces forces devient très difficile à modéliser. D'autant que les éléments composant la fusée russe ne sont pas diffusés et sont mal connus à ce jour: ils nécessiteraient en soit, une étude pour chacun d'eux (résistance intrinsèque, forme, masse...) permettant de réaliser un modèle de conception et donc des simulations.

4 trajectoires.jpg

Ci-dessus, à différentes époques, différentes trajectoires ont été proposées.

Pour la suite, dans ce document, j'ai utilisé dans les représentations la trajectoire calculée au CNES par Pierre Omaly en 2015.

Pour calculer sa trajectoire, Pierre Omaly s'est basé à la fois sur les two lines elements, mais aussi l'observation de Pierre Neirinck, astronome qui avait envoyé un rapport précis et circonstancié de son observation, en prenant notamment des repères grâce aux étoiles (http://www.u-sphere.com/images/1/15/90_11_05_neirinck.gif). Il a, grâce ces données ajusté la vitesse de descente de la trajectoire. Parallèlement, il a créé un modèle simplifié de l'étage de la fusée Russe, en tenant compte que c'était un gros cylindre constitué de 3 réservoirs en titane hautement résistants qui finissaient par retomber. Il a pris pour ceux ci des hypothèse différentes de densité / de masse. Un logiciel spécialisé de calcul de rentrée atmosphérique (debrisk). Ce logiciel est en effet capable de calculer dans une certaine mesure les effets de la rentrée atmosphérique et d'en tenir compte (https://logiciels.cnes.fr/content/debrisk). Ce logiciel a ensuite calculé une trajectoire qu'il est possible d'exporter sous Google Earth.

La trajectoire à partir des données d'observation

Pour autant, si les Two Line Elements fournissent bien une indication sur les paramètres avant la rentrée, sur ce qu'il s'est passé ensuite, c'est plus difficile à élaborer. Et c'est bien là, je pense, tout l'intérêt, de prendre le relais avec des observations sol: photos, vidéos et témoins bien sûr. Faute d'éléments matériels. Comme nous n'avons pas de photos exploitables avec des directions d'observation précises associées ni de vidéos, nous devons nous en remettre aux observations des témoins.

Le reportage réalisé par la chaine 23 a donné l'opportunité de disposer de positions et directions d'observations de 13 des témoins interviewés, et, partant de là, de calculer la distribution probabilité de présence du phénomène.

Un programme de calcul cartographique que j'ai développé me permet de calculer et représenter sur une les probabilités. En pratique, le logiciel superpose les directions d'observation de chaque témoin, en admettant des marges d'erreurs autour de celles-ci. Il s'agit d'une forme de triangulation qui permet de tenir compte d'autant d'observateurs que souhaité.

Témoin Commune Lat 1 Lon 1 Az Début Az Fin T1 COURCY 49,315533 4,022503 221,3 119,6 T2 REIMS 49,240411 4,002733 183 2,6 T3 ANGERS 47,451161 -0,524814 268,4 54,9 T4 THUGNY-TRUGNY 49,484469 4,410233 227,7 6,1 T5 REIMS 49,251801 4,044542 16,07 66,79 T6 VILLAVARD 47,744942 0,913044 245,8 58,2 T7 SOISSONS 49,380817 3,326581 199,8 80,6 T8 CHALONNES-SUR-LOIRE 47,351672 -0,765461 228,2 54,4 T9 BATZENDORF 48,783455 7,70679 226,9 42,6 T10 POIX-TERRON 49,653028 4,644668 176,2 63,8 T11.1 NOUVION-SUR-MEUSE 49,695722 4,791663 222,8 - T11.2 DOM-LE-MESNIL 49,69379 4,790163 - 127,6 T12 COLMAR 48,072769 7,325175 209,1 52,7 T13 NEUFGRANGE 49,076842 7,041292 22,2 72,4

Sur le principe, nous partons des données d'observation au sol, pour remonter à la trajectoire. Exactement l'inverse des techniques précédentes, en cela, elles se complètent.

Superpositions temoins.jpg

Sur la carte ci-dessus, les cercles blancs représentent les positions des observateurs, les traits blancs, les directions horizontales d'observation (azimuts). Les carrés rouges indiquent une intensité, probabilité que le phénomène soit passé à cet endroit.

Pour chaque observateur, une "extinction" du phénomène a été provoquée au-delà de 10° de distance angulaire, dans le référentiel constitué par le centre de la Terre, le témoin et le phénomène. Cela correspond à une distance d'environ 1113 km. Il s'agit aussi de la distance maximale à laquelle on peut voir un phénomène évoluant à 100km d'altitude: au delà de cette distance, compte tenu de la courbure de la Terre, il passe sous l'horizon. Toutefois, et généralement, le phénomène est aperçu alors qu'il a déjà une élévation de 10 à 20° sur l'horizon. Il est donc plus proche du témoin (environ 350 km pour 15° sur l'horizon) Liste des anomalies résiduelles (tout du moins, points à éclaircir)

Comme souvent, je préfère une approche "holistique" (globale) sur les phénomènes, afin d'éviter les débats stériles et les remises en causes sans fin sur les témoignages individuels: les préjugés et la fragilité des informations font que la remise en cause individuelle sera toujours possible.

Pour échapper à cela, en croisant l'information je cherche à travailler avec l'ensemble des témoignages disponibles, afin de faire émerger des "signaux". Partant de l'idée que dans le bruit de fond des données, peut-être des anomalies signicatives n'ont pas été détectées.

Je me suis concentré ici sur une liste d'anomalies, que je considère comme des déviations statistiques notables. Non pas que l'on ne puisse pas à terme les réduire, mais je trouve intéressant de travailler sur celles-ci pour essayer de comprendre COMMENT elles ont pu se produire.

Concernant le 5 novembre 1990, j'ai travaillé à partir de deux sources d'informations :

  • la base de données du GEIPAN, pour les positions des témoins et leurs directions d'observation (567 témoignages relevés),
  • le livre de Franck Marie ("OVNI contact"): une "bible" en termes de témoignages (414 dépositions) qui reprend aussi une petite partie d'historique. A partir de cette base, j'ai fait un peu de data-mining en recherchant des mots clés spécifiques.

Partant de ces données, j'ai souhaité revoir et préciser la répartition géographique des observations. Ce que je peux dire, à ce jour, c'est que de manière étonnante, apparait un certain nombre d'"anomalies":

  1. . Sur la distribution spatiale des témoins : la dispersion géographique ne suit pas celle des grandes villes
  2. . Sur la distribution des directions d'observation et concernant:
    1. les élévations (hauteurs angulaires) : il y a un grand nombre de témoins (trop ?) signalant une observation au zénith,
    2. la probabilité de présence statistique du phénomène, suivant les directions d'observation: en première approche, observations bien trop dispersées sur le territoires et non concentrées suivant une trajectoire définie (contrairement à des modèles réalisés avec des rentrées de bolides)
    3. les directions horizontales (azimuts d'observation) : il y a trop de témoins indiquant le Nord ou le Sud,

Ces anomalies, peuvent signifier que les modèles que nous avons de la réalité, ne coïncident pas avec les réalités individuelles vécues par mes témoins. Et, sans même parler de phénomène "OVNI" (comme certains pensent qu'un phénomène intelligent pouvait se superposer à la rentrée atmosphérique), cela peut signifier par exemple que la dispersion des débris était bien plus importante qu'attendue.

Ce qui signifie que nous arriverons peut-être un jour à les expliquer, mais à ce jour, sans connaissance précise du comportement du phénomène qui est rentré (cad, au-delà des Two-Lines Elements (TLE) fournis par la NASA), nous ne pouvons que difficilement conclure: nous en sommes réduis à croiser les données des témoins pour se rapprocher de la réalité.

1. Distribution spatiale des témoins

Dans une étude concernant la distribution spatiale des phénomène, j'avais eu l'occasion de calculer le niveau de corrélation entre la distribution des témoins de phénomènes et celle de la densité de population est extrêmement forte: pour les seuls PAN D c'est-à-dire près de 400 témoignages, la probabilité que cela soit du au hasard, appelée "p-value", est inférieure à 10^-16.

Ce que l'on peut se dire, raisonnablement, c'est que "là où il y a des personnes, il y a des observateurs potentiels et donc nécessairement plus d'observations" ! (quasi-tautologique!)

Et ceci est aussi vrai au cœur des grandes villes: les espaces urbains n'empêchent absolument pas les observations de PAN. Certes, il y a de nombreux bâtiments, immeubles, etc, mais en pratique, cette gêne n'est rien en regard de la densité de population bien plus importante (elle s'accroit de manière exponentielle en se rapprochant des centres-villes).

Visuellement, si l'on confronte la répartition des phénomènes collectés au GEIPAN sur 40 ans à celle de la densité de population, la corrélation est flagrante:

Densité de population.png Densité PAN.png

Je m'attendais donc à ce que la distribution des phénomènes, pour le 5 novembre 1990 suive mieux que cela la distribution de population. En particulier, que les grandes villes situées non loin de la trajectoire soit particulièrement impactées.

Eh bien non, pas du tout ! La carte ci-après présente en rouge la position des témoins suivant la base du GEIPAN, en jaune la trajectoire reconstruire par P. Omaly, au CNES:

Cas observation geipan vs pop fr vs temoignage 5 nov 90 cnes.jpg

Comme nous le voyons, les grands centres urbains du sud de la France échappent à l'"épidémie": Bordeaux, Toulouse, Limoges, Clermont-Ferrand, Poitiers, Châteauroux, Bourges. Mais aussi dans l'est de la France.

Statistiquement, suivant la probabilité énoncée plus haut, c'est assez difficile à comprendre. Par exemple, pourquoi Bordeaux qui est si proche de la trajectoire y échappe ? Il y a bien sûr, certainement eu des observateurs à Bordeaux, mais ce qui est difficile à comprendre ici c'est pourquoi la distribution statistique de la population d'observateurs est aussi peu marquée sur les grandes villes ? De manière générale, hormis la région Parisienne (avec toutefois une asymétrie curieuse, les observateurs étant dans la région sud de Paris), la distribution spatiale des observateurs n'est que peu corrélée avec la densité de population. A l'inverse il existe des concentrations de témoins dans des zones peu dense, comme autour de Brive-La-Gaillarde (et ceci est également flagrant avec la répartition géographique des témoignages de Franck Marie).

Il serait intéressant de faire le calcul de probabilité que cette distribution arrive en reprenant les 567 témoignages du GEIPAN. De même, sortir le profil de densité de population correspondant aux communes des observateurs, versus, le profil de densité de population de l'ensemble des communes françaises et de comparer les étagements.

Peut-être que les gendarmeries des grandes villes ont reçu des consignes particulières et n'ont pas fait remonter les témoignages ? Je me suis demandé si la couverture nuageuse pouvait être à l'origine de ces disparités, mais il parait difficile de l'incriminer. Nous avons en effet la chance d'avoir une photo prise par l'instrument MVIRI de meteosat-4, à 18:00 TU (19:00 locale) dans les longueurs d'ondes comprises entre 10.7-11.9 micromètres (infrarouge). La position des observateurs est en général tout à fait compatible avec la position des nuages. De plus, les grandes villes citées précédemment sont également en dehors de la couverture nuageuse:

Couverture nuageuse temoins GEIPAN.jpg

2 Élévations (hauteurs angulaires)

Sur la base de données de Franck Marie, j'ai filtré les seuls témoins qui signalaient le phénomène au zénith: une proportion importante de témoins signalent le phénomène au zénith en regard de leur distribution sur la France entière : 145 sur 414 soit 35%.

Pour vérifier l'écart entre ces élévations et la réalité, il est facile de créer une table de calcul qui indique l’élévation (angle) sous laquelle le témoin devrait observer le phénomène. Devrait, selon la trajectoire, encore une fois calculée par P. Omaly.

Ainsi, pour un phénomène évoluant à 90km d'altitude : El. (deg Dist/trajectoire Err/Zénith 80° 16 km 10° 70° 32 km 20° 60° 52 km 30° 50 75 km 40° 40° 107 km 50° 30° 156 km 60° 20° 247 km 70° 10° 510 km 80°

Ex: si le témoin est à 16km de la trajectoire (distance horizontale), il devrait le voir à 80° d'élévation. S'il indique "Zénith" il fait une erreur de 10 degrés.

J'ai représenté sur la carte ci-après, en PJ la trajectoire de P. Omaly (CNES) et l'élévation sous laquelle les témoins devraient voir le phénomène en fonction de la distance à celle-ci. Je n'ai reporté que les 145 témoins qui indiquent avoir vu passé le phénomène au "zénith":

Zenith temoins franck marie.jpg

Suivant la bande rouge centrale, en admettant une erreur de perception allant jusqu'à 30 degrés, seuls 39 témoins sont susceptibles de le voir effectivement "au zénith". Ce qui signifie que 74% des témoins qui indiquent le zénith se gourent carrément ! (30 degrés et plus). El. (deg) Nombre de témoins 80° 11 70° 15 60° 13 50 14 40° 17 30° 29 20° 43 10° 3

Et même: 43 témoins signalent le Zénith alors que selon leur position, le phénomène devrait être à 20° au niveau de l'horizon (très bas) !

Le profil de distribution des erreurs (en élévation) n'a absolument rien de gaussien (pas de "courbe en cloche"). Cela est en partie normal car la surface au sol depuis laquelle le phénomène peut-être vu sous un certain angle augmente avec la distance à la trajectoire. Pour autant, la concentration de témoins déclarant avoir vu le phénomène à l'azimut, tant au niveau de Lyon que de Paris est étonnante.

Bien entendu, on pourra toujours "réduire" et considérer que les témoins font des erreurs et se trompent. Et du reste, il y en a : les hauteurs angulaires sont toujours difficiles à estimer par les témoins. Ils ne sont pas non plus habitués à la notion de "zénith": de façon simple, des témoins à qui nous demandons de désigner le zénith pourront aisément se tromper de 30 à 40°.

Cependant, les erreurs sur l'azimut s'étendent généreusement au nord et au sud de la trajectoire reconnue. Et, s'il y a des erreurs, elles devraient être relativement réparties autour de la trajectoire, or, ce n'est pas le cas: si l'on prend une régression linéaire, c'est à dire que l'on cherche la trajectoire moyenne qui représente au mieux ces observateurs pour lesquels le phénomène passe à l'azimut, alors, nous aurions un phénomène rentrant sur la France plus au nord, au niveau de la Rochelle et sortant de la France au niveau de Mulhouse, légèrement plus sud.

Encore une fois, il s'agit probablement le symptôme d'une mauvaise modélisation de la trajectoire du phénomène. Celui ci était probablement déjà fragmenté au dessus de l'atlantique, et devait présenter une dispersion latérale (Nord-Sud) assez importante.

Dans le champ de la psychologie de la perception cet aspect devrait faire partie des points à analyser et à qualifier.

3 La probabilité de présence du phénomène sur le territoire, obtenue suivant les directions d'observation des témoins

Comme je l'ai fait précédemment avec les données fournies par CAPA, j'ai souhaité réaliser une reconstitution de la trajectoire du phénomène à partir de la base de données du GEIPAN.

La distribution statistique des azimuts d'observation de chaque observateur montre des zones privilégiées qui forment une sorte de "grille" sur le territoire français (partiellement matérialisée par les lignes blanches longitudinales et la diagonale ci-dessous ; j'ai filtré les données statistiquement trop faibles) :

Map-10pix.jpg

Sur ce schéma, les témoignages du GEIPAN sont représentés par des cercles blancs et les traits qui en partent correspondent aux directions d'observation (azimuts d'observation). Malheureusement, ces azimuts sont affichés par "pas" de 45°: en effet, dans la base du GEIPAN ont été enregistrés suivant des directions "arrondies" correspondant aux huit principales directions cardinales (N, NE, E, etc.), la base de données historique ne permettant pas d'enregistrer des valeurs décimales (!)

Cette approximation de la réalité, rend toute interprétation hautement hasardeuse.

En attendant, peut-être, le principal renseignement utile de ce type de graphique, (en attendant de travailler sur une base de données azimutales précisées), est qu'il n'existe pas de convergence claire en termes de direction. Ce qui est tout à fait différent d'une rentrée de bolide atmosphérique classique, si l'on devait comparer.

4 Distribution des directions horizontales (suivant les directions cardinales)

En attendant, pour tenter de vérifier (ou d'invalider) ces résultats, j'ai tenté une approche inverse sur le plan méthodologique: essayer de simuler la distribution de l'ensemble des azimuts d'observation qui existe dans la base du GEIPAN. En effet, la distribution des azimuts d'observations (graphique en forme de radar) a une forme assez particulière: celle d'un "noeud papillon", avec des directions privilégiées suivant les directions OSO et le NNE (28° précisément, soit à peu près la trajectoire normale de la rentrée ! Une donnée rassurante de ce point de vue !) et, qui, orthogonalement, présente un pincement:

J'ai donc essayé de ré-obtenir ce graphique, en partant de trajectoires supposées (celle d'Alessandri, de Velasco, etc.), et de calculer quels seraient, pour chaque observateur, les azimuts de début et fin d'observation ? Et pour l'ensemble des observateurs quelle répartition des direction d'observation devrais-je obtenir ?

Simulation90 legendes.png

J'ai ainsi pu évaluer les différents modèles de trajectoires proposés et vérifier leur niveau de pertinence. J'ai testé les 3 modèles suivants:

  • T2.1: une trajectoire avec freinage atmosphérique (R. Alessandri) (T2.2 sans freinage)
  • T3 : la trajectoire fournie par JJ Velasco (qui avait, à l'époque, indiqué qu'elle passait au dessus de Pau) (carte présentée à l'époque sur ARTE en PJ)
  • T1+t0+t1t+t2t+t3t+t4+t5  : les résultats émergeant du calcul géostatistique des directions d'observation, un modèle avec 7 trajectoires superposées, notées : T1 pour la diagonale (en jaune) et t0 à t5 pour les parallèles (en blanc). (notez qu'il semble apparaître d'autres lignes parallèles à T1, vers l'ouest).

[TO BE CONTINUED]